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20/03/2015 | FRANCE | N°2014-457

France | France, Conseil constitutionnel, 20 mars 2015, 2014-457


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 janvier 2015 par le Conseil d'État (décision no 382830 du 30 décembre 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour Mme Valérie C., épouse D., par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n

° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constit...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 janvier 2015 par le Conseil d'État (décision no 382830 du 30 décembre 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour Mme Valérie C., épouse D., par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, enregistrées les 26 janvier et 11 février 2015 ;

Vu les observations produites pour le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie en défense, par la SCP Célice - Blancpain - Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 janvier 2015 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 janvier 2015 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me François-Henri Briard pour la requérante, Me Frédéric Blancpain pour la partie en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mars 2015 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que l'article L. 4231-4 du code de la santé publique est relatif à la composition du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction issue de la loi du 21 juillet 2009 susvisée : « Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est composé :
« 1° De trois professeurs ou maîtres de conférences des unités de formation et de recherche de pharmacie, pharmaciens, nommés par le ministre chargé de la santé, sur proposition du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
« 2° Du directeur général de la santé ou du pharmacien inspecteur de santé publique qu'il désigne à cet effet représentant le ministre chargé de la santé ;
« 3° D'un pharmacien du service de santé représentant le ministre chargé de l'outre-mer ;
« 4° De huit pharmaciens d'officine dont un appartenant obligatoirement à la région Ile-de-France, inscrits au tableau de la section A, élus ;
« 5° De quatre pharmaciens inscrits au tableau de la section B, dont deux pharmaciens responsables ou responsables intérimaires et deux pharmaciens délégués, délégués intérimaires ou adjoints, élus ;
« 6° De deux pharmaciens inscrits au tableau de la section C, dont un pharmacien responsable ou responsable intérimaire et un pharmacien délégué, délégué intérimaire ou adjoint, élus ;
« 7° De cinq pharmaciens inscrits au tableau de la section D, dont quatre pharmaciens adjoints d'officine et un d'une autre catégorie de pharmaciens inscrits en section D, élus ;
« 8° D'un pharmacien inscrit au tableau d'une des sections de l'ordre représentant les pharmaciens des sous-sections de la section E ;
« 9° De trois pharmaciens inscrits au tableau de la section G, élus ;
« 10° De trois pharmaciens inscrits au tableau de la section H, élus ;
« 11° De deux pharmaciens membres de l'Académie nationale de pharmacie, proposés, après élection, à la nomination du ministre chargé de la santé.
« Les pharmaciens fonctionnaires représentant le ministre chargé de la santé et le ministre chargé de l'outre-mer assistent à toutes les délibérations avec voix consultative.
« L'élection des membres du Conseil national de l'ordre siégeant au titre des sections A, B, C, D, G et H est effectuée au second degré par les membres des conseils centraux correspondants.
« L'élection de chacun des membres du conseil national de l'ordre représentant les pharmaciens de la section E est effectuée au second degré, par l'ensemble des délégués locaux des sous-sections des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
« La durée du mandat des membres élus ou nommés du conseil national de l'ordre est de six ans. Le conseil national est renouvelable par moitié tous les trois ans.
« Les pharmaciens membres du conseil national de l'ordre ne peuvent pas faire partie des autres conseils de l'ordre. »

2. Considérant que, selon la requérante, en prévoyant au sein du conseil national de l'ordre des pharmaciens réuni dans sa formation disciplinaire la présence de membres siégeant en qualité de représentants de ministres, même avec voix consultative, les dispositions de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique portent atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance des juridictions garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 2°, le 3° et le treizième alinéa de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
5. Considérant, d'une part, que l'article L. 4234-10 du code de la santé publique dispose que : « Lorsque les différents conseils statuent en matière disciplinaire sur saisine du ministre chargé de la santé ou du directeur général de l'agence régionale de santé, les représentants de l'État mentionnés aux articles L. 4231-4 et L. 4232-6 à L. 4232-15 ne siègent pas dans ces instances » ; que ces dispositions font obstacle à ce que les représentants de l'État mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 4231-4 du même code siègent au conseil national de l'ordre des pharmaciens réuni en formation disciplinaire lorsque la saisine émane d'un ministre ou d'un autre représentant de l'État ; que ces dispositions instituent des garanties légales appropriées relatives aux fonctionnaires membres du conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire permettant de satisfaire au principe d'impartialité ;
6. Considérant, d'autre part, que le directeur général de la santé ou le pharmacien inspecteur de santé publique qu'il désigne mentionnés au 2° de l'article L. 4231-4 et le pharmacien du service de santé mentionné au 3° du même article ne siègent pas en tant que membres nommés au sein du conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire mais en qualité de représentants respectivement du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'outre-mer ; que les dispositions contestées, même si elles prévoient que ces fonctionnaires siègent dans ce conseil statuant en matière disciplinaire avec voix consultative, méconnaissent le principe d'indépendance ; qu'ainsi, les 2° et 3° et le treizième alinéa de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique sont contraires à la Constitution ;
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
8. Considérant, en premier lieu, que l'abrogation immédiate des 2°, 3° et du treizième alinéa de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique aurait pour effet de modifier la composition du conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire mais aussi pour l'ensemble de ses attributions ; qu'elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives ; qu'il y a lieu, dès lors, de reporter au 1er janvier 2016 la date de cette abrogation afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2015, les représentants de l'État ne siègeront plus au conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en formation disciplinaire ;
10. Considérant, en troisième lieu, que la mise en cause de l'ensemble des décisions prises sur le fondement des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, les décisions rendues avant la publication de la présente décision par le conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité que si une partie l'a invoquée à l'encontre d'une décision n'ayant pas acquis un caractère définitif au jour de la publication de la présente décision,

D É C I D E :

Article 1er.- Le 2°, le 3° et le treizième alinéa de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues aux considérants 8 à 10.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mars 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 20 mars 2015.


Synthèse
Numéro de décision : 2014-457
Date de la décision : 20/03/2015
Mme Valérie C., épouse D. [Composition du conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire]
Sens de l'arrêt : Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 20 mars 2015 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 20 mars 2015 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2014-457 QPC du 20 mars 2015
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2015:2014.457.QPC
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